Location,TX 75035,USA

Il suffit d’une rencontre pour changer de vie

Vous pouvez le télécharger ici


LA RÉVÉLATION
e me réveille soudain en sursaut. Il est 5 h 35. Je viens de faire le même
cauchemar : Léo entre dans notre chambre, s’approche de moi et me
souffle à l’oreille quelque chose, mais cette fois-ci j’entends ce qu’il me
chuchote :
— Je ne suis pas ton fils !
De violents tremblements s’emparent de tout mon corps, j’ai la tête prête à
exploser. Je me lève, vais boire un grand verre d’eau et m’assois sur le canapé
pour réfléchir. Non, ce n’est pas possible… Tania m’aurait-elle trompée avec
Marc ? Cette tache dans l’oeil viendrait-elle du fait que mon meilleur ami est
le père de mon petit Léo ? Je commence à me remémorer tous les moments où
ils étaient ensemble. Ils étaient en effet très proches, mais de là à avoir une
liaison…
Je suis pris d’une crise d’angoisse, je me blottis sur le canapé, ne sachant ni
quoi faire ni quoi dire. Une bouffée de stress m’envahit et me fait pleurer. Je
suis partagé entre la colère et la tristesse. Au bout de longues minutes, j’arrive
à me calmer, à prendre le temps de me détendre et à me dire que tout ceci
n’est qu’une hypothèse, qu’il n’y a rien de sûr et qu’il ne faut pas que je tire
de conclusions trop hâtives. Il faudra tout de même que j’aborde le sujet avec
Tania, et je redoute déjà ce moment.
Une heure plus tard, elle se lève. À ma tête, elle sait déjà que quelque chose
ne va pas. Je lui réponds que j’appréhende la journée de travail qui m’attend.
Elle m’étreint et cherche à me rassurer. Quelques minutes après, c’est au tour
de Léo de se réveiller. Je l’embrasse et prends le temps de bien le regarder.
Des larmes montent, mais je fais tout pour me contrôler.
Je décide de partir plus tôt au laboratoire, car j’ai de plus en plus de mal à
garder mon sang-froid. Ma colère devient difficile à contenir.
Une fois arrivé, un mot m’attend sur mon bureau : j’ai un nouveau rendezvous
avec la direction à 9 heures. À l’heure dite, j’entre dans le bureau de
mon directeur. Cette fois-ci, il est tout seul.
— Bonjour, Éric. Je vais faire court, nous avons appris que nous n’avons
même pas le délai de deux semaines dont je vous ai parlé hier. Nous devons
envoyer le produit pour sa commercialisation.
— Comment ça ? Vous voulez le mettre sur le marché sans même connaître
les effets secondaires de l’agent défaillant ?
— Oui, je n’ai plus le choix. Si je ne le fais pas, la compagnie va mettre la
clé sous la porte. Continuez tout de même vos phases de test et, dans deux
semaines, livrez-nous un premier diagnostic.
— Et s’il est mauvais ? Des personnes auront déjà commencé à l’utiliser ! Je
ne suis pas d’accord, vous ne pouvez pas faire ça.
— Écoutez Éric, pour être plus clair avec vous, je ne vous demande pas
votre avis, seulement de préparer les échantillons aujourd’hui pour qu’ils
soient envoyés ce soir au laboratoire.
Je me lève brusquement et élève la voix violemment :
— Je refuse !
— Si vous ne le faites pas, vous êtes viré, ce ne sera plus la peine de
revenir !
Une colère terrible monte en moi. Je me rapproche de mon directeur et
balance par terre tout ce qu’il y a sur son bureau.
— Vous êtes fou ! Qu’est-ce que vous faites ?
— Je t’emmerde ! Virez-moi, parfait ! Il est hors de question que je participe
à ce que vous allez faire !
— Très bien ! Prenez vos affaires et dehors, je n’ai pas de temps à perdre
avec des gens comme vous.
Je claque violemment la porte et entre en trombe dans mon bureau.
— Que se passe-t-il, Éric ?
— Je démissionne, Jimmy, c’est fini, je pars !
— Quoi ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui te prend ? Assieds-toi, on va parler.
— Pas besoin de parler, c’est déjà fait, je t’appellerai plus tard.
Je prends le maximum d’affaires et quitte mon entreprise. Une fois dans ma
voiture, je réalise ce qui vient de se passer. J’ai envie de tout casser. Je ne sais
pas quoi faire, je ne sais plus quoi faire. J’aimerais aller voir Marc, mais je ne
peux pas y aller tant que je n’ai pas parlé à ma femme.
Je décide d’appeler Tania :
— Chérie, t’es où ?
— Au travail, où veux-tu que je sois ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Je craque complètement quand j’entends sa voix et me mets à sangloter :
— Écoute, il se passe des choses étranges. Il faut que je te parle tout de
suite, je viens de perdre mon travail.
— Quoi ? Ton travail ? Mais comment ça se fait ? Ils t’ont viré ?
— Je t’expliquerai, ce n’est pas le plus important. Pour le moment, je dois te
parler de quelque chose.
— Je ne comprends rien à ce que tu me dis. On se voit ce soir et on en parle,
O.K. ?
— Non ! Pas ce soir, maintenant !
— Mais je travaille, calme-toi !
— Arrange-toi comme tu peux, sinon je débarque à ton centre !
— Je peux faire une pause dans trente minutes et te rejoindre dans la cour
devant mon bureau, ça te va comme ça ?
— Ça marche, à tout de suite.
La pression monte encore d’un cran. J’ai l’impression que le monde autour
de moi s’écroule littéralement. Je ne sais pas comment aborder le sujet. Même
si tout ceci est vrai, je me dis qu’il est impossible que Léo ne soit pas mon
fils.
Une demi-heure plus tard, j’arrive enfin sur la place et aperçois Tania.
— Alors, que se passe-t-il ? Tu m’inquiètes !
— Écoute-moi sans m’interrompre, s’il te plaît. Il faut que je te parle de
quelque chose qui m’obsède et je n’en peux plus.
— Vas-y, je t’écoute.
— Tu te rappelles le rendez-vous que j’ai eu hier avec l’ophtalmo ? Il se
trouve que je ne t’ai pas tout dit. J’ai vu le fils de Marc l’autre jour : il avait la
même tache dans l’oeil que Léo. J’ai demandé à Loreul la probabilité pour que
deux enfants aient la même. Il m’a répondu que c’était pratiquement
impossible, sauf s’ils avaient tous les deux la même mère. Ou le même père.
Tania devient soudain toute rouge.
— Je n’ai pas fini. Depuis quelque temps, je fais le même cauchemar. Léo
vient dans notre chambre et me souffle quelques mots à l’oreille. Cette nuit,
j’ai enfin réussi à comprendre ce qu’il me disait : « Je ne suis pas ton fils. »
— Pourquoi me dis-tu ça ? Ce n’est qu’un rêve !
Tania est de plus en plus rouge et mal à l’aise.
— Tania, s’il s’est passé quelque chose, dis-moi la vérité !
Elle se met alors à pleurer, et je comprends à ce moment-là que mes craintes
ne sont pas infondées.
— Léo n’est pas mon fils ? Tu m’as trompé avec Marc ?
— Je ne sais pas quoi te répondre, ce n’est arrivé qu’une fois. Je n’ai jamais
été sûre que Léo soit de Marc jusqu’à maintenant. Nous n’avons jamais eu de
relations ensuite, j’ai décidé d’y mettre fin, car c’est avec toi que je veux
vivre et tu le sais.
Le monde dans lequel je vivais s’est totalement écroulé. Je viens de perdre
mon travail, je découvre que ma femme m’a trompé et menti pendant tout ce
temps et que mon fils n’est pas mon fils.
— Ne pars pas ! Dis-moi quelque chose ! Où vas-tu ?
— Tu veux que je te dise quoi ?
Je me mets à hurler, si bien que tous les gens autour de nous se retournent.
— Calme-toi, chéri, on va en parler !
— Je n’ai plus envie de parler !
Je file à la voiture, monte dedans et pars sans me retourner.
Je roule sans m’arrêter pendant trente minutes sans savoir où je vais. Je suis
complètement perdu et ne sais pas quoi faire. Pourquoi m’ont-ils fait ça ?
Comment ai-je pu passer à côté ? Ma femme et mon meilleur ami ! Tania et
Marc couchant ensemble, rien que l’imaginer me donne envie de vomir.
Je finis par m’arrêter devant un petit parc. Il n’y a presque personne,
seulement quelques mamans avec leurs enfants jouant près de la balançoire.
En les voyant, je pense à mon Léo… Cela me rend triste et furieux. Quoi qu’il
arrive, je le considérerai toujours comme mon propre fils.
J’essaie de faire le vide ; la colère retombe un petit peu et je m’assois sur un
banc. Au loin, je vois un vieillard marcher difficilement. Il se rapproche
doucement de moi, la mine radieuse. Son visage reflète des choses
complètement différentes de sa façon de marcher. Il se rapproche de plus en
plus et, bien que d’autres bancs soient libres, c’est le mien qu’il choisit. Ce
n’est pas gênant, mais je ne suis pas dans un jour où j’ai envie de faire
causette avec un inconnu pour passer le temps.
Il s’assoit à côté de moi et me sourit.
— Bonjour Éric, me dit-il.
— Bonjour. On se connaît ?
Le vieillard se met à rire :
— Oui, on peut dire ça. Disons que je connais beaucoup de choses.
Il me met un peu mal à l’aise.
— Je me présente, je m’appelle Roger. Maintenant, toi aussi, tu me connais.
— Enchanté Roger.
Il se passe une longue minute sans que personne parle. Soudainement, il me
prend la main, ce qui me déstabilise encore plus.
— Que faites-vous ?
Il presse ma main contre la sienne et me regarde droit dans les yeux.
— Je ressens beaucoup de stress et de colère au fond de toi, Éric.
— Si vous aviez vécu la même journée que moi, vous seriez dans le même
état.
— Veux-tu qu’on en parle ?
Je retire ma main de la sienne.
— Excusez-moi, mais… que faites-vous ici ? Vous habitez là ?
— Pas vraiment, je suis un voyageur.
— Un voyageur ? À votre âge ? Où habitez-vous ?
— Pourquoi veux-tu absolument mettre une personne dans une maison ?
J’habite dans le monde.
Je me mets à rire, c’est plus fort que moi.
— Voilà une bonne chose Éric, notre conversation t’aura au moins fait
sourire.
— Oui, mais ce n’est pas ça qui va régler mes problèmes.
— Dans un avenir proche, tu verras que tu pourras pardonner à Tania ce
qu’elle t’a fait.
— Mais attendez ! Comment vous connaissez ma femme ? Comment vous
savez que je lui en veux ? Et comment vous connaissez mon prénom ?
— Ne t’énerve pas. Comme tu le vois, je suis juste une personne âgée qui se
balade dans un parc et qui veut simplement te parler.
— D’accord, mais comment est-ce possible que vous sachiez tout ça ?
— Comme je te l’ai dit, je sais beaucoup de choses. Faisons un pacte tous
les deux, si tu acceptes de discuter un peu avec moi, alors je te dirai qui je
suis.
Je réfléchis un moment. Au point où j’en suis, je n’ai plus grand-chose à
perdre et je ne sais pas quoi faire d’autre.
— D’accord, allons-y pour une conversation.
— Que vois-tu en face de toi ?
— De la pelouse.
Le vieillard se met à rire.
— Qu’est-ce qui vous fait rire ? Vous voyez quoi, vous ?
— Des opportunités.
— Dans la pelouse ? Non, mais vous vous fichez de moi ou quoi ?
Roger rit de nouveau, ce qui a le don de m’énerver. Il n’a pas choisi le bon
jour pour se moquer de moi.
— Oui, je vois des opportunités. Je vois au loin une famille qui joue à la
balançoire, je vois des arbres qui dégagent de l’oxygène, je vois des petites
plantes magnifiques qui poussent sur cette pelouse, je vois…
— O.K., j’ai compris, vous voyez plein de choses…
— Ce que je veux simplement te montrer ici, c’est que nous sommes tous les
deux assis à la même place, nous regardons dans la même direction, mais
nous voyons des choses totalement différentes.
— Et alors ?
— Alors, si je regarde ta vie actuelle, c’est la même chose. J’y vois des
opportunités.
J’explose d’un rire nerveux.
— Je viens de perdre mon fils, ma femme et mon job. Sacrées opportunités !
— Toi aussi, bientôt, tu pourras voir celles qui t’entourent. Fais-moi
confiance.
— Vous faire confiance ? Mais je ne vous connais pas ! D’ailleurs fin de la
conversation, à vous de vous présenter maintenant ! On a fait un marché, à
vous de l’honorer.
— Je t’ai dit que je te dévoilerai mon identité, mais je ne t’ai pas dit que je le
ferai aujourd’hui. Viendra le temps où je te dirai d’où je sais toutes ces choses
sur toi, mais pas maintenant, tu n’es pas encore prêt.
— Prêt à quoi ?
— Sois patient ! Et quand tu passes un accord avec quelqu’un, fais en sorte
d’ajouter de la clarté dans cet accord, cela évitera les malentendus.
Pour qui se prend-il, sérieusement ? Je garde mon calme, mais j’ai envie de
hurler.
— C’est bon, j’abandonne. Merci pour cette conversation. Bonne journée.
— Je n’ai pas fini de te parler, je t’attendrai demain matin sur ce banc à
8 heures précises.
— Vous pensez vraiment que je vais revenir ? Je ne sais même pas où je vais
dormir ce soir, et demain matin j’aurai certainement mieux à faire que de
venir ici. Désolé Roger, il faudra vous trouver quelqu’un d’autre.
— Quoi que tu dises, je serai là demain matin à 8 heures. Si tu veux savoir
où dormir ce soir, écoute-toi. La réponse à toutes tes questions se trouve en
toi.
— Franchement, vous avez l’air gentil à première vue, mais vous divaguez
de plus en plus. Quand allez-vous me dire qui vous êtes ?
— Je te l’ai dit, je m’appelle Roger. Je suis un voyageur. Pour le reste, je te
le dirai quand tu seras prêt.
Il se lève, reprend ma main, me regarde droit dans les yeux et me souhaite
une bonne journée :
— N’oublie pas, me dit-il en partant, je serai sur ce même banc demain à
8 heures.
Il marche quelques mètres puis se retourne :
— N’oublie pas les deux premières leçons que tu as apprises aujourd’hui.
Leçon numéro un : « Quand tu demandes quelque chose, ajoutes-y de la
clarté. » Et leçon numéro deux : « Toutes les réponses à tes questions se
trouvent en toi. »
Puis il disparaît à un tournant. Il peut rêver, j’ai d’autres choses à faire
demain matin.
Me voilà de nouveau tout seul, en plein milieu de ce parc, et ce vieillard
sorti de nulle part a réussi à attiser ma curiosité : comment diable peut-il
connaître mon prénom, Tania et tous mes problèmes ?
J’ai une envie soudaine d’aller chez Marc pour qu’on s’explique
violemment, mais je sais au fond de moi que cela ne va rien m’apporter, du
moins rien de bon.
En sortant mon téléphone de ma poche, je vois neuf appels manqués de
Tania et trois de Marc. Tania a dû le mettre au courant.
Deux options s’offrent à moi pour cette nuit : soit je rentre chez moi, mais
on fera lit séparé, soit je vais à l’hôtel. Il est plus sage d’aller à l’hôtel.
J’envoie un message à Tania pour la rassurer : « Je vais bien, je ne rentrerai
pas ce soir. Embrasse Léo pour moi. »
Pour la dixième fois, elle essaie de m’appeler. Je n’ai pas envie de lui parler
de vive voix. Il le faudra pourtant un jour, mais pas aujourd’hui, je n’en ai pas
la force.
Je trouve un hôtel Formule 1 à quelques minutes du parc, dans le centre
commercial où nous allons de temps en temps au cinéma avec Tania. Des
milliers de questions me taraudent et m’empêchent de trouver le sommeil. Je
prends mon portable et vois 7 h 12. J’ai, malgré tout, réussi à dormir quelques
heures. Le vieillard de la veille s’immisce dans mes pensées, ce Roger soidisant
voyageur. Il a quand même réussi à attiser ma curiosité.
Et si, finalement, je me rendais au parc à 8 heures… Juste pour voir ce qu’il
a à me dire. Peut-être qu’il pourrait m’aider ? Me conseiller ? Une partie de
moi a envie d’y aller, mais une autre partie me dit que c’est stupide, que j’ai
d’autres choses à faire. En fait, si je suis honnête, je n’ai rien de prévu,
puisque je viens de perdre mon emploi.
Je descends à la réception prendre mon petit-déjeuner. Six autres clients sont
là, l’air déprimé ; la plupart sont certainement des ouvriers. Ça fait mal au
coeur de voir des personnes passer des dizaines d’années à faire quelque chose
qui ne leur plaît pas. Je suis sûr que sur ces six personnes, plus de la moitié
n’aiment pas vraiment ce qu’elles font. Elles n’ont certainement pas d’autre
choix, comme je n’ai pas eu le choix d’aller chaque jour au bureau, avant
d’être finalement viré comme un malpropre. Je pourrais gagner beaucoup
d’argent aux prud’hommes si je fournissais les preuves que mon renvoi est
basé sur une injustice et qu’ils tentent de commercialiser un produit nuisible à
la santé des consommateurs. Je contacterai un avocat dans les prochains jours
et je pourrais également appeler la presse si le produit est commercialisé, afin
de prévenir les consommateurs. La compagnie serait alors dans une situation
très inconfortable.
7 h 55. J’y vais ? Je n’y vais pas ? Allez, je n’ai rien à perdre. Direction le
parc.
J’arrive un quart d’heure plus tard, accompagné d’une légère brume et d’un
petit vent frais très agréable.
J’aperçois le banc d’hier, mais personne n’est là. Je m’assois tout de même
et décide d’attendre quelques minutes. Une silhouette au loin se déplace
lentement, avec des difficultés à marcher, je crois que c’est Roger. Arrivé à
ma hauteur, il me salue :
— Comment vas-tu, Éric ?
— Comme ci comme ça. Mes problèmes n’ont pas disparu pendant la nuit…
Excusez-moi, mais je suis obligé de vous faire remarquer que vous êtes en
retard ! Il est presque 8 h 30, j’étais sur le point de partir.
— En fait, je dirais plutôt que c’est toi qui es en retard… J’étais là dès
8 heures, mais ne te voyant pas, je suis allé marcher un peu, puis je suis
revenu. Je n’avais pas prévu de t’enseigner cela tout de suite, mais tu viens
par la force des choses d’apprendre une nouvelle leçon. Ce que tu fais aux
autres en bien ou en mal te revient !
— Vous avez donc fait exprès de me faire attendre ?
— En quelque sorte, oui. Tu ne reçois pas forcément le jour même ou le
mois d’après, mais ce que tu fais aux autres te revient dans la vie d’une
manière ou d’une autre.
— Ne m’en voulez pas si je suis perplexe.
— Je ne t’en veux pas, c’est ce qu’ils disent tous au début.
— Qui ça « ils » ? Vous faites ça avec d’autres personnes ?
— Patience Éric, patience. Tu peux tout obtenir avec de la patience. Si ce
sont des réponses que tu veux, tu les auras, sois juste patient.
— Bon, je suppose que je n’ai pas le choix de toute manière.
— As-tu réfléchi aux leçons que nous avons vues hier ?
— Non, pas vraiment. Pour être honnête, je ne m’en souviens plus trop.
Vous comprenez que j’ai d’autres chats à fouetter en ce moment.
— Voici les trois premières leçons que je t’ai enseignées : « quand tu
demandes quelque chose, ajoutes-y de la clarté » ; « toutes les réponses à tes
questions personnelles se trouvent en toi maintenant » ; « tout ce que tu fais
aux autres en bien ou en mal te revient ». Retiens-les, elles te serviront pour
ton prochain voyage.
— Je n’ai pas prévu de voyager !
— C’est vrai, mais sais-tu que le meilleur qui me soit arrivé dans la vie était
bien souvent de l’imprévu ?
— Peut-être, mais là, j’ai autre chose à faire. Où serais-je censé partir ?
— Où tu veux, je ne peux décider à ta place. Ce que je te propose, c’est de
partir à l’aventure tout seul, pendant un mois. Pendant toute la durée de ton
escapade, tu pourras me joindre par téléphone et nous pourrons continuer à
parler tous les deux. Tu me feras le bilan de ce que tu as vécu, de ce que tu as
vu et des leçons que tu en tires. Qu’est-ce que tu en penses ?
— Vous êtes un peu dingue, non ?
Roger se met à rire aux éclats.
— Beaucoup de gens me le disent, jusqu’à ce qu’ils découvrent la vérité.
— Dites-la-moi alors !
— Je ne peux pas, Éric, car elle est propre à chacun. La tienne, actuellement,
me décrit comme quelqu’un de fou. Tu verras qu’avec le temps, elle changera
non seulement sur moi, mais aussi sur la vie, sur le monde et sur tout ce qui
t’entoure.
— Tout ça a l’air bien intéressant, mais en quoi cela va-t-il m’aider à
améliorer ma vie et à résoudre mes problèmes actuels ? Vous voulez vraiment
que j’abandonne tout et tout le monde pendant un mois ?
— Je comprends que ça te fasse peur, mais penses-tu que tu as quelque
chose à perdre à partir ? Ou, au contraire, quelque chose à y gagner ?
— Je suis persuadé que ce voyage serait intéressant, mais oui, ce que j’ai à y
perdre, c’est de l’argent ! Je n’ai pas de moyens illimités. C’est peut-être votre
cas, mais ce n’est pas le mien.
Le vieillard sourit.
— Intéressant point de vue, qui n’est pas le mien. Tu es beaucoup plus riche
que tu ne le penses ! Et si c’est avoir de l’argent qui t’intéresse, tu verras que
tu as aussi des moyens illimités.
— Appelez mon banquier, je peux vous assurer qu’il va vous démontrer le
contraire.
— Ton banquier ne peut malheureusement pas voir la richesse qui se cache
en toi.
— C’est bien beau tout ça, mais ce qui l’intéresse, comme moi, c’est le
montant inscrit sur mon compte.
— Tu as raison, et c’est pour cela que tu n’as pas beaucoup d’argent.
— Comment ça ?
— N’allons pas trop vite. Si et uniquement si tu t’engages à suivre mes
instructions, tu découvriras des informations qui vont bien plus loin et qui ont
bien plus de valeur que des euros sur un compte.
— Je vous connais à peine, Roger. Ce que vous dites a du sens, enfin…
certaines fois, mais comment vous faire confiance ? Qui êtes-vous, un
gourou ? Dois-je vous payer pour tous les conseils que vous me donnez ?
Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas riche comme Crésus.
— Garde ton argent pour toi, tu m’apporteras bien plus que cela. Pour ce qui
est du voyage, suis simplement ce qu’il y a en toi. Te rappelles-tu la leçon
numéro 2 : « Toutes les réponses à tes questions personnelles se trouvent en
toi » ? Alors, écoute-toi.
— Ça ne m’avance pas énormément. Je tâcherai d’y penser en tout cas, mais
je ne vous promets rien. Où puis-je vous contacter ?
Il me tend un papier sur lequel est inscrit un numéro de portable.
— Bon, c’est noté, je vous appellerai, mais je ne vous promets rien.
— C’est de ta vie qu’il s’agit, Éric, non de la mienne. Cette décision
t’appartient, comme toutes celles que tu prends dans ta vie. Les résultats que
tu obtiens actuellement sont la conséquence de tes choix antérieurs.
— Donc, si je comprends bien, c’est ma faute si ma femme m’a trompé ?
— Oui.
— Comment ça, oui ? Vous êtes sérieux, là ?
— Oui.
— Vous allez simplement vous contenter de me répondre « oui » ?
— Oui, car il est encore trop tôt pour te l’expliquer. L’information entre dans
ta vie quand tu es prêt à la voir ou à la recevoir. Maintenant, je dois partir. J’ai
été ravi de parler avec toi ce matin, merci. Rien qu’avec cette conversation, je
me sens bien et je vais passer une magnifique journée.
— Vous avez de la chance, il ne vous faut pas grand-chose pour être
heureux.
— Ce n’est pas une question de chance. La chance, comme tu l’appelles, se
provoque. Tu en as autant que moi si tu le désires.
— J’aimerais que ce soit le cas.
— Passe une bonne journée Éric, félicite-toi d’être venu à ce rendez-vous ce
matin, tu as pris une sage décision.
— Comment le savez-vous ?
— Je le vois sur ton visage. À bientôt.
— À bientôt et merci aussi.
— Tu progresses ! Tu viens d’employer un des mots les plus puissants que
tu puisses prononcer : « merci ».
Roger s’éloigne dans la brume matinale, et je reste sur mon banc à penser à
tout ce qu’il vient de m’enseigner. Il a vraiment un don pour captiver les gens.
Je me suis vraiment senti concerné par tout ce qu’il m’a raconté. De là à partir
un mois en voyage, je ne suis pas encore convaincu. Je doute que ce soit la
meilleure période, mais j’y réfléchirai.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
13 × 26 =